EDITO
Quelle ouverture pour les marchés agricoles, demain ?
La tendance à la libéralisation des marchés a marqué les dernières décennies. L’Union Européenne poursuit cette tendance avec les accords du CETA et du Mercosur, où toutefois l’enjeu se focalise clairement autour des normes sur les modes de production. Prélude à une nouvelle conception en matière d’échange ? Nous voyons de grands pays agricoles, qui ont tout à gagner à la liberté des échanges, conduire des politiques qui évoluent vers moins de libéralisme : le cas des USA à ce titre est majeur et le blocage des instances de l’OMC ne va faire qu’accentuer le phénomène. Les grands pays d’Asie, quant à eux, prennent conscience que les produits agricoles doivent avoir un traitement à part dans la mondialisation. Les pays importateurs du Maghreb freinent leur ouverture aux pays de la Mer Noire car ils craignent d’être dépendants de zones dont ils connaissent mal les enjeux. On entend à nouveau parler de contrats étatiques qui engageraient des qualités et des volumes pour limiter les fluctuations de prix au consommateur.
D’un autre côté, les compétiteurs sur les commodités tels que l’Ukraine, le Brésil ou l’Argentine augmentent leurs productions avec des coûts de revient faibles, il est alors difficile pour les producteurs européens de conserver leur place sur ces produits standards. Quant au consommateur européen, il demande de plus en plus de garanties sur les produits sans vouloir en payer le prix et cette incohérence apparaît de moins en moins tenable.
Dans ce contexte, quel est le bon prix pour les productions françaises ? La période récente montre que les productions européennes ne font plus le prix mais le subissent. Les exploitants en mesure de mener avec détermination une stratégie volume/prix doivent donc rechercher un complément de compétitivité hors prix pour rester sur les marchés : la qualité de l’origine France, sa régularité aussi. Retrouver un lien entre l’évolution du coût et celle du prix, comme le décrètent les EGA, suppose que les producteurs puissent influer sur le prix.
La bonne nouvelle, c’est que les segmentations prennent de plus en plus de poids : gammes qui s’enrichissent d’allégations prisées par les consommateurs (pâturage, plein air, sans OGM, local) ; marchés identifiés à côté du conventionnel (bio, certains labels, appellations d’origine et maintenant HVE…) ; circuits courts vis-à-vis desquels les consommateurs eux-mêmes s’organisent en tant que véritable partie prenante. Ce sont autant d’opportunités de se déconnecter du prix mondial.
Marc VARCHAVSKY et Philippe BOULLET