Edito
Comment ont réagi les marchés agricoles face aux épreuves de 2020 ?
2020 aura été une année haute en couleurs… sombres : plusieurs nouveaux épisodes du changement climatique et une crise sanitaire sans précédent qui bouleverse les modes de consommation alimentaire. Ces événements ne constituent pas une rupture avec les tendances annoncées et, in fine, cette année met en lumière notre état de préparation à y faire face.
Pour ne prendre que quelques exemples parmi les filières analysées dans cette lettre, citons les grandes cultures où les volumes d’offre sont en baisse mais la demande reste soutenue, en attente de qualité ; les marchés mondiaux sont plutôt en hausse, principalement parce que les matières premières agricoles sont des valeurs refuges. Mais dans un contexte climatique et commercial incertain, nos assolements restent étroits (les systèmes sont peu résilients) et nos comportements de vente (ou nos regrets a posteriori) restent empreints d’une démarche toujours spéculative et non pas de sécurisation (positions à l’avance + assurance).
D’autres filières ont dû principalement faire face au déplacement de la consommation. La filière laitière y est parvenue au prix d’une gymnastique logistique éprouvante mais finalement payante. Au demeurant, il faut reconnaître que cela correspondait à la stratégie dominante de la filière, une priorité au marché domestique pour la collecte France et un investissement au plus près des consommateurs pour les marchés lointains. Ce succès face aux circonstances est important pour aborder ensuite ce qui en fera une réussite plus tendancielle, la création de nouvelles valeurs consommateur, alors que l’offre mondiale de lait est haussière.
Les signaux de l’année pourraient bien inciter la filière viande à une stratégie de valeur (voire indiquer qu’elle est en cours). Les circuits courts ont réussi à développer leur chiffre d’affaires et le bœuf bio poursuit sa croissance. La consommation des ménages a profité à la viande bovine femelle, sans pour autant déborder l’offre. Les cours ont pourtant incité à la décapitalisation en reproductrices alors que ceux des broutards et jeunes bovins étaient en berne. Est-ce le début d’une stratégie collective de valeur plutôt que de nombre de têtes ? Reste à moderniser et densifier les maillons d’aval, abattoirs et entreprises de première transformation.
Enfin, l’année particulière a donné un élan peut-être décisif à la digitalisation de la commercialisation, en viticulture et en circuits courts plus généralement.
À tous ces égards, le plan de relance apparaît comme un complément aux mesures prévues dans les lois de finances habituelles. On y trouve matière à faciliter une plus grande résilience dans certaines exploitations, notamment celles conduisant une stratégie de compétitivité sur les marchés mondiaux. Une très large part est consacrée à la transformation des systèmes de production en l’adossant à des dynamiques de filières ; enfin un ensemble de mesures vient donner du concret aux projets d’alimentation territoriaux.
Cela est de bon augure, si la mise en œuvre respecte bien une logique de projets, dans les exploitations au service de leur stratégie 2030 et dans les filières pour chercher des valeurs clients nouvelles.
Philippe Boullet, Directeur du pôle Performance et Prospectives – Conseil National du Réseau Cerfrance